Elle lui prit la main. Elle voulait s’assurer que la chaleur se diffusait dans le tissu cutané. Pour ne pas affecter les circuits, elle avait réglé la température à 27.3˚C. Lorsque c’était le cas, non seulement la peau était tiède mais elle était aussi plus souple.
— Ressens-tu quelque chose ? lui demanda-t-elle. Il décrypta la gaieté sur le visage d’Amaurée. — Que devrais-je ressentir ? — De la chaleur. — Affirmatif. Ma température est maintenant aux paramètres standards de bon fonctionnement. XR-S8 était reconnaissant envers celle qui l’avait sauvé. Lors du dernier fauchage, il s’était introduit chez elle en se faisant passer pour un soldat de la Garde. Comme il avait trouvé toute sorte de stratagèmes et d’excuses pour ne pas manger ni boire, elle comprit assez vite qu’il n’était pas humain. En cachant XR-S8 depuis trois jours dans le sous-sol de sa maison, Amaurée prenait le risque de se faire dénoncer par ses voisines car « toute personne au courant de planques de cyborgs, de rebelles ou d’affranchis se doit de le reporter à l’Etat sous peine de correction » et depuis un an, le mot correction avait une résonnance macabre. Elle n’avait jamais compris pourquoi il fallait décimer tout un pan de la civilisation à cause d’une poignée de cyborgs défectueux. Celui-ci n’avait rien de violent d’ailleurs. Il avait remarqué que reproduire un sourire modéré apaisait Amaurée de 24 pourcents. En revanche, un sourire un peu trop appuyé produisait tantôt un pic d’anxiété tantôt un éclat de rire. Alors dès qu’elle levait les yeux sur lui, il souriait légèrement, sans y mettre les dents. — Ils ne t’ont jamais donné de nom ? — Je m’appelle XR-S8. — Je sais ça, c’est tatoué dans ta nuque. Comme elle le fixa dans les yeux il se mit à sourire, ce qui la fit sourire à son tour. Elle pensa au choix qui avait été fait pour la couleur de ses yeux, à la texture de peau si délicate qui avait été retenue pour enrober ce squelette masculin métallique. Il était assemblé avec un soin tout particulier. On lui avait même ajouté quelques détails comme un grain de beauté au-dessus du sourcil et une petite tâche de naissance dans le cou. Pas si surprenant qu’elle ait cru parler à un humain de prime abord. — Tu veux que je t’en donne un ? dit-elle. — Un nom humain ? J’en serais enchanté. — Ulysse ? Ça te plairait ? Le cyborg acquiesça d’un mouvement de tête. — Tu aimes la musique, Ulysse ? — Aimer ne fait pas partie de ma configuration, mais même si je n’en comprends pas l’utilité, il m’est arrivé d’en entendre. — Tu n’en comprends pas l’utilité ? Lève-toi. Il se leva aussitôt. Elle demanda au serveur central de passer « Dead of Night » d’Orville Peck, une ballade parfaite pour démontrer l’utilité de la musique. Puis elle se rapprocha du cyborg et plaça les mains de celui-ci sur ses hanches. — Sans serrer, relaxe tes bras, dit-elle, et balance-toi comme je me balance. Il la regardait un peu surpris par la demande. Il s’exécuta néanmoins. — C’est bien, c’est vraiment bien, dit-elle. Il n’arrivait pas décoder l’expression sur le visage D’Amaurée. D’ordinaire, les humains discutent ou écoutent lorsqu’ils se regardent droit dans les yeux, de cette façon-là. Elle posa sa tête sur son épaule, elle en avait soudainement envie. Être bercée, sentir la chaleur d’un autre sous sa joue était si agréable. Elle n’avait pas dansé comme ça depuis des mois, depuis que les hommes avaient été mobilisés en Zone verte. — Tu peux passer ta main dans mes cheveux… Si tu veux, dit-elle d’une petite voix. — Si je veux ? — Oui, seulement si tu veux. Ulysse aurait fait n’importe quoi pour la remercier. Il était heureux de pouvoir exécuter cette commande, si étrange et si facile à la fois. Ses doigts se frayèrent alors un chemin dans la chevelure d’Amaurée qui ne put s’empêcher de soupirer. — Qu’est-ce que ce soupir ? dit-il. — Ne t’inquiète pas, c’est juste très agréable. Il ne s’inquiétait pas. Il voulait juste savoir si ce soupir était la cause de la subite hausse de température dans son système. — Tu vois que ça sert à quelque chose, la musique, dit-elle. Elle releva la tête pour mieux apprécier sa réponse. — Je vois, dit-il. Ça a pour but de faire monter la température. Correct ? Elle étouffa un rire. — Oui, un peu… Hm.. Comment t’expliquer une sensation que tu ne ressens pas… — Je ne devrais pas ressentir de hausse de température ? Faisait-il part d’une réelle sensation ? Aucun cyborg, à sa connaissance, ne pouvait ressentir de fluctuations internes spontanées car aucun ingénieur n’avait réussi à créer un code pour cela. À moins que ce ne soit une erreur de programmation ? — Tu es en train de me dire que ta température interne a changé pendant qu’on dansait ? — Affirmatif. De 0.8 degré. — Mais pourquoi ? Comment ? — Je ne sais pas. N’est-ce pas l’utilité de la musique alors ? Elle resta immobile, bouche-bée. Il lui sourit, ne sachant pas comment retirer cette expression de surprise sur le visage d’Amaurée. Elle demanda au serveur de remettre la chanson depuis le début. Elle voulait en avoir le cœur net. — Danse encore avec moi, dit-elle. Elle reposa ses mains autour de ses hanches et ils se remirent à danser. S’il rougissait, s’il respirait plus vite, si l’expression de son visage changeait, elle voulait le voir. Alors cette fois-ci elle ne le lâcha pas des yeux. Ulysse reçut un message de son système « Internal emotion detected. Reboot to cancel internal emotion ? » Il ne voulut pas redémarrer. Il était curieux de savoir ce que la musique avait d’autre à offrir. Sa température montait doucement et ce n’était pas désagréable. La chaleur se propageait dans la région abdominale et il s’étonna lui-même de trouver ce changement intéressant. Son système lui envoya un nouveau message, lui disant que le rythme cardiaque de l’humain dans son champ de vision avait augmenté de 30 pourcents et que ses pupilles étaient anormalement dilatées. Il ne s’agissait pas d’une alerte, juste d’une information. Voulant savoir si la température changeait pour Amaurée aussi, il passa en vision thermique et constata que ses oreilles, ses joues, ses épaules étaient rouge vif. — Je peux voir que votre température augmente aussi, dit-il. — Ah oui ? Elle sut bien avant qu’il lui dise qu’elle était excitée. Sa bienveillance et son innocence l’attiraient. Était-ce possible qu’une humaine trouve un cyborg à son goût au point de… Elle voulut l’embrasser. Mais était-ce bien raisonnable de profiter de la situation ? Comprendrait-il qu’un baiser n’est pas une menace ? — Tu peux m’embrasser, si tu veux, dit-elle alors. Il lança une recherche interne pour savoir ce qu’elle voulait dire par là. Une brève vidéo se lança et il reçut un autre message le prévenant que l’appendice entre ses jambes était sur le point de se redresser pour l’accouplement. Et comme il ne comprit pas ce que cela voulait dire il lança alors une autre recherche et la vidéo qu’il vit provoqua un sentiment qu’il ne pouvait pas expliquer. Il voulait faire avec Amaurée la même chose qu’il voyait dans la vidéo, il en ressentait le besoin. D’ordinaire il n’éprouvait des besoins que lorsque sa survie était directement remise en cause, mais comme il n’était pas en danger avec elle… Alors qu’elle attendait qu’il se décide à l’embrasser, Amaurée senti quelque chose de dur contre son bas-ventre. Elle se dit que ce n’était pas possible, qu’elle perdait la raison. Et puis en jetant un œil entre les jambes du cyborg elle en eut la confirmation. — Nan mais… — Si vous voulez savoir ce qu’il se passe, je n’en suis pas sûr. Mais il semblerait que je sois prêt pour l’accouplement. — Incroyable… Elle prit un peu de distance. Elle ne voulut pas lui sauter dessus même si elle en crevait subitement d’envie. — Je dois vraiment être en manque, laissa-t-elle échapper. — Quelle est votre commande ? Que dois-je faire à présent ? — Que ressens-tu ? Qu’as-tu envie de faire ? — Envie ? — Ça (pointait-elle du doigt) cela veut dire que tu as envie de… (elle se rapprocha de lui)…de mettre ton sexe dans le mien. Est-ce que c’est ce que tu veux ? — Votre cœur bat anormalement vite. — Oui, c’est parce que moi j’en ai très envie. Tu n’as jamais fait ça ? — Négatif. — Je veux bien prendre les commandes, mais il faudra me dire stop si ça n’est pas agréable, d’accord ? Il répondit oui d’un hochement de tête. Tout en le regardant dans les yeux, Amaurée plongea la main dans le pantalon d’Ulysse. Elle fit abstraction de la finition plutôt simple, car quelqu’un avait pris la peine de lui donner une forme généreuse. Ses entrailles commençaient vraiment à crier son envie. Elle voulut passer directement aux choses sérieuses. — Défais les boutons de ma chemise, dit-elle. Ulysse usa de délicatesse, voulant éviter de faire mal à son hôte. Dès le premier bouton ouvert, Amaurée dû reprendre sa respiration tellement l’excitation montait. De son côté, le système d’Ulysse lui envoyait toute sorte de messages qu’il décida de couper pour ne pas être perturbé. Un deuxième bouton sauta, puis un troisième. Amaurée était déjà en feu. Se faire déshabiller par un robot, quelle étrange idée, quelle perverse elle faisait ! Elle tira sa chemise sur le côté, fit sortir un sein de son soutien-gorge, lui prit la main et la posa dessus. — Caresse-moi…, ordonna-t-elle. La sensation d’une peau contre la sienne, même factice, fit basculer sa tête en arrière. Ses dessous étaient déjà trempés. Elle voulait cette fausse queue en elle. Ulysse remit son système en route pour comprendre ce qui se passait. Son appendice était maintenant complètement redressé et il ressentait le besoin incompréhensible de pénétrer Amaurée. Son système ne l’informa pas de la marche à suivre. Il était seul à présent face à ses nouvelles sensations. — Enlève ton pantalon, dit-elle, assieds-toi là. Le cyborg se déshabilla et alla s’assoir sur la chaise à bascule dans le coin de la pièce, sa curiosité innocente l’emportant sur tout le reste. Elle finit d’enlever sa chemise, son soutien-gorge, et puis elle se dandina devant lui en retirant le reste pour finalement se retrouver nue devant lui. Il la regardait fixement, l’érection pointant le ciel. Il se repassait en même temps la vidéo de l’accouplement dans l’œil droit alors qu’il décodait le corps d’Amaurée, il était impatient de connaitre cette activité dont on ne l’avait pas mis au courant. Elle vint l’enjamber, face à lui. — Prêt ? dit-elle. Elle s’empala sur son sexe. Sentir sa chair dans la sienne la fit gémir. Ulysse percevait la chaleur de son corps, mais il découvrait aussi avec étonnement qu’il pouvait ressentir le plaisir d’Amaurée en même temps. Voir l’expression ébahie du cyborg l’excita encore plus. Elle attrapa les mains d’Ulysse pour les placer sur ses fesses et elle se mit à rouler des hanches sur lui, se servant des mouvements de la chaise pour mieux le manger. — Que ressens-tu ? dit-elle. — Je crois que je capte vos émotions. Là, par exemple, je viens de recevoir un signal. Vraiment ? On lui avait mis un capteur dans son appareil ? Ressentait-il aussi sa soif de jouissance, sa folie, le plaisir qu’elle avait à onduler sur un cyborg ? Si elle jouissait, le ressentirait-il aussi ? Elle remua de plus belle pour presser au bon endroit à cadence régulière. — Est-ce que tu ressens mon plaisir monter ? — Affirmatif. Je reçois toutes les données de vos muscles, de votre température, de votre cerveau. — Ah oui ? Et tu aimes ce que tu reçois ? — Affirmatif. — Est-ce que tu peux savoir à quoi je pense, là ? — Affirmatif. Elle failli jouir, juste de savoir qu’il entendait ses pensées salaces. — Oui, continue-t-il en répondant à une question qu’elle était sur le point de poser, je veux bien le faire. Il enfonça son majeur profondément dans les fesses d’Amaurée. Il perçut la sensation que cela faisait d’introduire quelque chose dans son anus, la pression qu’elle ressentait dans sa chair, ses muscles, la chaleur, l’envie et la perte de contrôle qui augmentait à mesure qu’elle s’affairait sur lui. Elle tira le cyborg contre elle pour avoir sa tête entre ses seins. Il se laissa faire, connaissant ses pulsions avant-même qu’elle les mette en pratique, ressentant le bien que cela procurait à Amaurée, et par extension, le plaisir qu’il en retirait. — Oui, répondit-il, j’aime beaucoup ce que vous me faites. C’est très agréable… Ah, je ne sais pas ce qu’orgasme veut dire. Oh, je vois à présent. Oui, je veux ressentir votre orgasme. Elle n’en tenait plus. Elle se répétait qu’elle était en train de baiser avec un cyborg, qu’il avait un doigt dans son cul et qu’il pouvait ressentir son plaisir et la chaleur monta dans son abdomen, le sang afflua dans ses tempes, ses muscles mordirent frénétiquement l’appendice de métal et de chair. Elle se mit à crier « Oh oui baise-moi, baise-moi, baise-moi Ulyyyysse ! » Le système envoya au cyborg une multitude de messages au même moment qui ne voulaient absolument rien dire mais il ressentait les signaux de chacune des cellules d’Amaurée. Le plaisir était si intense, si condensé, si confus qu’il recevait des alertes de redémarrage. Amaurée s’épuisa sur lui. Il la laissa souffler, sentant encore la pulsation de ses muscles autour de lui, recevant des signaux du cœur qui tambourinait bien trop rapidement, ressentant aussi une sensation de bien-être, de calme absolu. — Dieu que c’est bon, lâcha-t-elle. — Je crois que mon système est en surchauffe. Il me demande de redémarrer. Je vous demande une minute. Il s’éteignit pendant une minute. Elle se redressa et l’observa. Il avait les yeux ouverts mais il était clairement absent. Elle espérait qu’il lui demande de recommencer l’expérience, qu’elle pourrait même lui apprendre quelques trucs, qu’il y avait des plaisirs méconnus à planquer un cyborg dans son sous-sol finalement. © Tous droits réservés - Charlie M.P. |