« Digicode : 8941. Appt 302. Montez quand vous êtes prête, la porte sera ouverte. La salle de bain est à gauche, faites-y un stop puis entrez dans la chambre. »
Je relis les instructions, la boule au ventre. Est-ce de l’excitation ou de la peur ? Mon chemisier en tremble. Julie m’avait parlé de ce type. Mais Julie, c’est Julie. Je pense connaître ses goûts en matière de cul mais s’est-elle complètement livrée à moi toutes ces années ? « Il m’a fait jouir comme jamais un homme ne m’a fait jouir » m’avait-elle dit une main sur le cœur. Forcément, ça donnait envie. Au café, elle me racontait son expérience. Lisant l’envie dans mes yeux, elle me donnait le numéro du type en question sans même que je lui demande. « Dis-lui juste que tu viens de ma part s’il accepte. Ça fait un moment qu’il m’ignore, le salaud. » Elle ne le sait pas mais je l’admire. J’envie sa liberté, la nonchalance avec laquelle elle me parle de ses orgasmes. Mis à part le changement de positions et de partenaires, ma vie sexuelle est plutôt plan-plan à côté de la sienne. C’est pour ça que, me trouvant devant l’immeuble avec beaucoup trop d’avance, et relisant le message envoyé un jour plus tôt, je me demande si faire marche arrière n’est pas plus judicieux. « Tu n’as qu’une vie » me répété-je intérieurement pour me donner un peu de courage. Ça va bien pendant une seconde ou deux et puis un trac monstrueux reprend le dessus la seconde suivante. — Vous attendez quelqu’un ? Vous voulez que je vous ouvre ? dit un jeune homme en me voyant plantée là. Je le remercie en répondant par la négative. Il tape le code et je le regarde s’engouffrer dans le hall. J’envoie un message à Julie avec l’espoir qu’elle me dise d’abandonner l’affaire. Mais elle n’en fait rien. Elle vit mon expérience par procuration depuis une semaine et compte sur moi pour ramener des anecdotes croustillantes. Qu’est-ce qui a bien pu lui plaire chez moi pour qu’il dise oui ? Il n’avait reçu qu’une photo de moi en pied, toute habillée, le visage flouté. On avait échangé très peu, juste assez pour se dire qu’il était préférable de ne rien savoir l’un de l’autre, et pour convenir des choses qui resteraient hors menu. L’heure va finir par passer à force de cogiter. Et plus le temps passe plus je me trouve des excuses. Allez, fais-le ! Fais-toi vibrer au moins une fois dans ta vie, BORDEL ! Mes doigts appuient sur les numéros, le buzzer buzze, je pousse la porte. La cour toute en pierre m’impressionne avec ce lierre qui grimpe aux murs. Je trouve l’escalier et monte une marche après l’autre, comme si je me montais à l’échafaud. « Il est adorable, tu verras, n’aie pas peur ma chérie ! Prends un pied monstre pour moi. » m’envoie Julie juste à temps. C’est con mais son petit message et une grande respiration suffisent à me mettre sur la voie du désir. J’arrive devant le numéro indiqué, je frappe à la porte et une voix me dit d’entrer. Je rentre chez un inconnu et je m’apprête à lui donner mon corps sans retenue. Je suis complètement folle ou pas ? « Il est adorable, tu verras ». Je trouve la salle de bain à gauche, ou un magnifique masque vénitien rouge m’attend, ainsi qu’un verre de vin, un petit chocolat et une note manuscrite « Bienvenue. Mettez-vous à l’aise. Soyez sage et je le serai aussi pour cette première. Ne vous inquiétez pas. » Le masque couvre la partie haute de mon visage. Je me déshabille pour ne garder que mes bas et mes dessous blancs. Je me suis dit qu’il devait en voir pas mal, du noir. Le reflet me plait, j’espère qu’il lui plaira aussi. J’espère ne pas le décevoir. Mes seins pointent déjà sous la dentelle. Je pousse la porte et balaye la pièce des yeux. Il est assis sur une chaise, dans un coin, dans la pénombre. Un simple matelas trône au milieu. « Approchez, que je vous vois mieux » dit-il. Sa voix passe dans mes oreilles et voyage jusqu’au fond de ma lingerie. Je fais un pas en avant. Il se penche et son masque doré, accentué d’un long nez droit, apparait dans la lumière. Il se lève et s’approche de moi, torse nu, en boxer. Il s’arrête à un mètre dans un silence complet. Je lève les yeux et j’aperçois les siens derrière le masque. C’est lui ? C’est le mec que j’ai croisé en bas ? Il fait glisser délicatement ses doigts le long de ma clavicule, entre mes seins, jusqu’à mon nombril. Un frisson parcoure ma colonne vertébrale et m’arrache un soupir. Puis il prend mon cou entre ses mains. — Pourquoi venez-vous ici ? Avez-vous perdu la raison ? Il serre un peu, doucement, juste pour me faire comprendre qu’il pourrait serrer plus fort s’il le souhaitait. Se yeux deviennent noirs, avides. Son regard dur à soutenir. Il tourne autour de moi comme un chasseur tourne autour de sa proie, colle son bassin dans mon dos et se balance doucement de gauche à droite. Son érection contre mes reins et son souffle chaud dans ma nuque provoquent mon bas-ventre. Il bascule ma tête en arrière et vient fourrer sa langue dans ma bouche. Des fourmis de plaisir prennent mon crâne d’assaut tellement sa façon perverse de m’embrasser m’excite. Il passe une main impatiente sous l’élastique de ma culotte pour vérifier si son petit jeu me plait. — Good girl, dit-il en constatant mon état. Il arrête tout et retourne s’asseoir sur sa chaise. — Venez vous mettre en face de moi, ordonne-t-il. Dans un silence troublant, je m’exécute. Il libère alors son sexe de son boxer et le mien se met subitement à pulser son envie de l’avoir en moi. — Retirez votre culotte. Écartez les jambes. Et touchez vous. Le ton qu’il emploie fait vraiment son petit effet, et le masque arrange bien ma pudeur habituelle car voilà que je me couche sur le dos, face à lui, le sexe offert, passant les mains entre mes cuisses. — Faites-vous jouir. Mes doigts s’aventurent dans mon corps, mais me savoir observée et le voir se branler devant moi pourraient me faire venir sans leur aide. Je ne veux pas en finir seule mais une vague de chaleur vient m’envelopper et un doux pincement dans mon ventre se pointe. Il m’attrape alors les mains et les place au-dessus de ma tête, m’arrêtant en pleine montée. — Mais j’étais sur le point de venir ! dis-je. N’était-ce pas ce… Il me pénètre d’un seul coup et me pilonne sèchement. Je réalise qu’un inconnu s’est introduit dans ma chair et en use pour se faire du bien. Que l’on m’utilise de la sorte me plait énormément. Je visualise les aller-venues de sexe dans mon corps. La vague revient... — À quatre pattes ! Il va me rendre folle. Je me retourne. Il en profite pour dégrafer mon soutien-gorge et sortir mes seins de leur cage. Et puis plus rien. Je n’ose pas bouger, il ne bouge pas non plus, il me regarde agoniser. En attente de sa queue, de ses doigts, d’un toucher quelconque. Mais c’est sa langue que je sens en premier. Il me penche en avant pour en profiter pleinement. Il me mange. Il me dévore. Je n’ose plus rien faire de peur qu’il s’arrête en plein élan. Et je pense à Julie. Et je gueule intérieurement « Putain Julie, merci ! » alors qu’il rajoute des doigts à ce délicieux moment. Il joue avec moi comme s’il me connaissait par cœur. Mes muscles commencent à le mordre et c’est le moment qu’il choisit pour me pénétrer à nouveau. Il attrape mes bras dans mon dos pour me donner des coups bien profonds et m’ôte un cri. — Petite salope ! C’est ça que t’es venue chercher ? Sa petite phrase me fait prendre conscience de ma position et maintenant j’ai vraiment envie qu’il me défonce. J’ai chaud, je boue, je sens que sa vient. Ça va être explosif. Le rythme régulier de son corps dans le mien déclenche des spasmes en cascade, de plus en plus violents. Mon sexe se referme sur lui de façon incontrôlable. Il m’extirpe une longue plainte qui me fait presque peur, alors qu’il vient à son tour dans un râle féroce. Je retire mon masque et m’observe dans le miroir. « T’es une petite chienne en fait » me dit-je à moi-même. Je me rhabille et sors de l’appartement, lui laissant un petit mot à mon tour, histoire de ne pas en rester là. © Tous droits réservés - Charlie M.P. |